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Vaine attente
Derrière ce titre, Trois mille ans à t'attendre, un cinéaste légendaire : George Miller. Malheureusement, le génial réalisateur de Mad Max : Fury Road est ici loin de déployer le même talent que dans son œuvre post-apocalyptique.
Alithea Binnie, le personnage principal du nouveau long métrage de George Miller, est une spécialiste en narratologie : comme elle le dit elle-même, d’un air amusé, en somme elle raconte des histoires au sujet d’histoires – la narratologie est une discipline s’intéressant aux structures du récit.
Alithea est une femme solitaire, plus souvent entourée par le papier que par ses semblables. « Les histoires sont une bouffée d'air... Elles créent du sens...», lance-t-elle à un certain moment du film. Cette histoire de George Miller n'est malheureusement, elle, pas une bouffée d'air, le génial réalisateur de Mad Max : Fury Road est ici loin de déployer le même talent que dans son œuvre post-apocalyptique. C'est à vrai dire assez mauvais.
La Dre Binnie et un confrère opposent, au cours d'un exposé, les mythes et la science. Ils expliquent que la science, la lumière de la raison ont en quelque sorte, au fil du temps, chassé les mythes, les croyances obscures. À mesure que l’une gagnait du terrain, les autres en perdaient. Plus personne ne croit que les séismes et autres tsunamis sont les fruits de mauvais génies. Les mythes sont donc pour ainsi dire morts. Vraiment ? George Miller fait comme un pied de nez à cette affirmation, il la balaie, il fait jouer tous les ressorts du septième art pour réenchanter notre monde blasé, désabusé, notre monde déserté par le surnaturel. Ainsi, sous l’œil de sa caméra, les mythes, les créatures fantastiques font comme un retour en force, ils deviennent plus vivants, plus présents que jamais. George Miller prouve qu’il est un grand illusionniste, un subtil prestidigitateur. Autrement dit, il maîtrise à merveille la magie du cinéma.
En tant que spectacle, Trois mille ans à t’attendre est donc réussi. Visuellement, c’est très beau. Les effets spéciaux sont bluffants. Un superbe feu d’artifices, certes. Mais en mettre plein la vue ne suffit pas à faire un bon film. Si la forme est admirable, le fond l’est beaucoup moins.
On peine à entrer dans cette histoire, tout comme on peine à croire au lien qui se tisse entre Alithea et le djinn qu’elle a libéré, sans le vouloir, de la fiole où il était emprisonné. On attendait beaucoup de ce duo d’acteurs de renom : Tilda Swinton (dans le rôle d’Alithea Binnie) et Idris Elba (dans le rôle du djinn). Mais ici, ils ne convainquent pas.
Qui dit djinn, dit vœux. Trois vœux, précisément. Alithea affirme qu’elle ne souhaite rien de particulier. Le djinn insiste. Il faudra du temps, beaucoup de temps à la Dre Binnie avant de trouver son premier vœu, et de le formuler. C’est là, bien entendu, un élément-clé du film, un moment crucial, que l’on attendait : savoir quel serait ce vœu. Eh bien ce moment qui devait marquer l’apogée de cette œuvre cinématographique se révèle plat, banal, commun, voire risible, ridicule – nous n’en dirons pas plus, afin de ne pas spoiler cette partie centrale du film.
Auparavant, une conversation s’était engagée entre la Dre Binnie et le djinn, et puis ce dernier lui avait raconté son histoire, sa longue histoire (il en a vu passer, des siècles !). Un récit pittoresque, plein de rebondissements, faisant la part belle à l’amour (le djinn a aimé passionnément quelques femmes, au cours de son existence), mais c’était tout compte fait laborieux, artificiel, factice, livresque. Bref, tout cela nous a laissé froid – le comble, pour une œuvre dans laquelle l'amour et ses flammes ont une place primordiale !
On l’aura compris : nous n’avons pas été embrasé – loin s’en faut – par la nouvelle création de George Miller.
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