28 ans plus tard
- Sandro Paulo

- 23 juin
- 6 min de lecture
Note: 3/5
Plus de 20 ans après leur collaboration sur le génial 28 jours plus tard, Danny Boyle et Alex Garland ratent malheureusement leur grand retour aux commandes d’un film pourtant prometteur.

Avertissement : cette critique contient des spoilers.
Vingt-huit ans se sont écoulés depuis que le virus de la fureur a décimé la population de la Grande-Bretagne. Si l’épidémie a pu être éradiquée en Europe, la Grande-Bretagne est désormais placée sous quarantaine. Spike et ses parents vivent en sécurité dans une communauté sur une petite île reliée au continent par une digue, seul point de passage.
Avec 28 jours plus tard en 2003, Danny Boyle révolutionne le film de zombie tel qu'il était connu jusqu’alors. Si la méthode de contamination est la même que dans les films de morts-vivants (via une morsure ou par le sang), place ici à des infectés, entendez par là des personnes saines contaminées par un virus issu d’un laboratoire, le virus de la fureur. Le résultat est un film à l’ambiance particulièrement anxiogène et apocalyptique, où les moments de répit sont rares pour les spectateurs et spectatrices. La suite du film, intitulée 28 semaines plus tard, sera réalisée en 2007 par Juan Carlos Fresnadillo et sera une suite directe du film de Danny Boyle dans le sens où, si les protagonistes sont différents, il est ici question du retour des habitants dans leur habitation, après ce que l’on pensait être la fin de l’épidémie.
La chronologie étant le fil conducteur de ce que l’on pourra bientôt qualifier de franchise (deux autres films étant en préparation), nous voilà donc de retour en Grande-Bretagne, désormais placée sous quarantaine, 28 ans plus tard.

L’histoire de ce nouveau volet est centrée sur Spike, enfant de douze ans vivant avec sa mère malade et son père sur une île reliée au continent par une digue. Ainsi, une poignée des survivants vit en sécurité, l’île n’étant accessible que lors de la marée basse et l’entrée étant constamment surveillée par des guetteurs.
Pour la première fois, Spike sort sur le continent accompagné de son père afin de découvrir la dure réalité de ce monde qu’il ne connaît pas et tuer son premier infecté. Après toute une série de mésaventures, Spike et son père rentrent sains et saufs. Mais l’enfant décidera de retourner sur le continent avec sa mère afin de trouver un docteur capable de la soigner.
28 ans plus tard est ainsi construit en trois parties. Une première partie très courte en guise d’introduction se déroulant au début de la contamination, puis la seconde lors de laquelle est mise à l'écran la relation entre Spike et son père, et enfin, la dernière partie du film, qui se concentre sur la relation de Spike avec sa mère.

L’introduction du film est conforme aux deux précédents volets et donc à l’attente des spectateurs et spectatrices, soit une terrifiante attaque d’infectés au cours de laquelle ne survivra qu’un jeune enfant. Le réalisateur enchaîne ensuite sur des plans de l’île dans laquelle vivent Spike et ses parents, présentant ainsi une sorte de retour en arrière de la civilisation dans laquelle les hommes ne chassent plus qu’avec des flèches, sont redevenus forgerons, tandis que les femmes s’occupent de la préparation des repas et des autres tâches ménagères (nous reviendrons plus tard sur cet aspect du film).
Toute la seconde partie du film lors de laquelle Spike et son père partent sur le continent est assez réussie sans toutefois révolutionner le genre. On tombe ainsi dans le cliché du père qui apprend à son fils de quelle façon survivre. Un père aimant mais dur à la fois. Vous l’aurez compris, un rapport père et fils maintes fois vu et revu au cinéma. Par contre, on est dans cette partie clairement dans le film de « zombie » et Danny Boyle profite de ce passage pour présenter différentes castes parmi les infectés. C’est d'ailleurs très intéressant de voir l’évolution des infectés et de découvrir ainsi de nouveaux genres de créatures, à savoir les rampants ou les alphas. Dans cette partie du film, l’utilisation du poème « Boots » de Rudyard Kipling lu par Taylor Holmes lors d’une scène entrecoupée de flashbacks de terrains de batailles est une réussite absolue et confère un côté vraiment grave au film. On adore.

En revanche, les choses se compliquent par la suite lors de la partie du long-métrage consacrée à la mère et à son fils. Pour commencer, pourquoi, dès qu’il y a un enfant dans un film de genre, celui-ci est systématiquement obligé de faire un choix qui met en danger celles et ceux qui l’entourent ? Oui, le jeune Spike veut sauver sa mère en l’amenant voir un docteur, mais à quel moment peut-il penser que c’est une bonne idée de partir seul avec sa mère malade alors que précédemment, il avoue lui-même ne pas être prêt à faire face à des infectés ? D’ailleurs, sans l’intervention dans un premier temps de sa mère, puis ensuite d’un soldat suédois débarqué d’on ne sait où, adieu Spike… Puis, dans une optique de surenchère, le spectateur a droit à l’accouchement d’une infectée, scène lors de laquelle le réalisateur et son scénariste veulent nous montrer que l’instinct maternel est plus fort que tout et dans laquelle, dans un élan de sororité, la mère de Spike et l’infectée donnent ensemble naissance à un enfant non contaminé (comme le dirait le professeur Malcolm : « La vie trouve toujours son chemin. »). C’est mauvais et absolument inutile au propos du film. Comble du mauvais goût, Spike donnera à l’enfant le prénom de sa mère une fois celle-ci décédée, c'est limite pathétique tellement c'est gros.
Ce qui est d’autant plus dommage lors de cette partie du long-métrage, c’est qu’il y a de vraies belles scènes de complicité entre la mère et le fils qui auraient méritées d'être approfondies. Les scènes dans lesquelles jouent Ralph Fiennes sont également un pur bonheur tant le talent de l’acteur crève l’écran. Profitons de mentionner que les interprétations d’Aaron Taylor-Johnson et de Jodie Comer sont également excellentes. Tout comme celle du jeune Alfie Williams dans son rôle de Spike dont on suit l’évolution pendant le récit.
Revenons à présent sur un élément évoqué précédemment dans cet article, à savoir la question du genre. Cet élément vaut la peine d’être creusé notamment eu égard à certains des films précédemment réalisés par Alex Garland, ici scénariste, tels que Men ou Annihilation dans lesquels les femmes avaient des rôles prépondérants.
Dans 28 ans plus tard, la figure paternelle est forte tandis que la figure maternelle est faible et malade, dans le village où sont réfugiés la famille de Spike, les garçons apprennent à tirer à l’arc pour défendre la communauté alors que les filles sont à l'école et que les femmes préparent les repas et les banquets. Les alphas représentés dans le film, à savoir des infectés plus grands et plus forts que les infectés « normaux » sont tous des hommes. Bref, un déséquilibre certain sur les rôles masculins et féminins pendant la totalité du film. Attention toutefois, on pourrait aussi imaginer que le réalisateur et son scénariste ont voulu mettre en perspective un retour en arrière généralisé de la civilisation dû à la situation vécue par les protagonistes, ce qui pourrait expliquer le statut des femmes dans le film. Chacune et chacun pourra se faire son opinion.
Autre aspect raté du film, sa bande-originale. Si dans les deux premiers volets la partition était parfaite ou presque, la musique de ce troisième volet est médiocre. Surtout, elle n’est pas en phase avec les scènes à l’écran. Le meilleur exemple : les dix premières minutes du film, pourtant oppressantes dans la manière dont elles sont filmées, sont gâchées par une espèce de soupe pop. Vraiment dommage. C’est d'autant plus surprenant pour un réalisateur de la trempe de Danny Boyle dont les bandes originales sont généralement réussies. Heureusement pour le réalisateur, l’ambiance sonore du film est quant à elle particulièrement soignée et participe à l’angoisse éprouvée par les spectateurs et spectatrices à quelques moments clés du film.

Si 28 ans plus tard n’est pas forcément un mauvais film, il est malheureusement très inférieur aux deux précédents volets réalisés. Il est difficile de vraiment comprendre vers quoi veut aller Danny Boyle avec les deux prochains films et on regrettera l’impression que le réalisateur, à vouloir trop se démarquer des deux premiers opus, ait perdu le fil de sa propre histoire. Le film mérite quand même d’être vu et plaira évidemment à grand nombre de fans de films de genre. Surtout, 28 ans plus tard doit être vu, ne serait-ce que pour ses cinq dernières minutes qui sont complètement hallucinantes et en décalage complet avec le reste du film.
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