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«King’s Land», une œuvre royale

Dernière mise à jour : 10 avr.

Note : 5/5

Le réalisateur Nikolaj Arcel avait marqué les esprits il y a un peu plus d’une décennie avec son long métrage Royal Affair. Il revient aujourd’hui avec King’s Land, une fresque historique d’une puissance rare.


En 2012, le metteur en scène danois Nikolaj Arcel enthousiasmait la critique et le public avec la fresque historique Royal Affair. Aujourd’hui, il signe un nouveau long métrage dans la même veine : King’s Land. Une œuvre exceptionnelle.

 

Le Jutland, une lande réputée indomptable. Tous ceux qui ont voulu la soumettre ont échoué. La terre est stérile et des bandits rôdent dans la forêt avoisinante. Nous sommes au 18e siècle. Ludvig Van Kahlen, un soldat danois, demande aux représentants du roi Frédéric V la permission de s’installer sur cette terre. Il veut la cultiver, y établir une colonie. S’il y parvient, il souhaite être récompensé par un titre de noblesse, ainsi que par une propriété et des domestiques.

Seulement, Frederik De Schinkel ne l’entend pas de cette oreille. Ce seigneur local prétend que le Jutland lui appartient. Il va tout faire pour contrecarrer les plans de Van Kahlen.

 

Au cours d’une scène mémorable où Van Kahlen est à table face à De Schinkel, ce dernier lui lance : « La vie c’est le chaos, Ludvig. Des chattes, des bites, de la merde, du sang. Le chaos. » Avant d’ajouter : « Nous ne contrôlons rien du tout. C’est en l’admettant que nous pouvons profiter de nos vies insignifiantes. » Cette vision cynique de la vie, Van Kahlen ne la partage pas. Tout oppose ces deux individus.

 

De Schinkel fait partie de la noblesse, c’est un propriétaire terrien riche, avide de pouvoir. Un personnage odieux, cruel, par ailleurs un oisif, un être vaniteux et bavard. Le rôle est joué – magistralement – par Simon Bennebjerg.

 


Van Kahlen, lui, est de basse extraction. Il est né d’une mère domestique et d’un propriétaire terrien l’ayant violée. Comme le souligne De Schinkel, provocateur, c’est un bâtard. Van Kahlen est un homme de peu de mots. Taciturne. Mais doué d’un magnétisme puissant. En un mot, charismatique. C’est quelqu’un de déterminé et travailleur. Parti de rien, il lui a fallu vingt-cinq ans pour devenir capitaine. Il vise plus haut à présent : il veut un titre de noblesse. Il est incarné par un Mads Mikkelsen fidèle à lui-même : royal, impérial.

 

Le reste du casting – on pense notamment aux trois femmes Amanda Collin, Kristine Kujath Thorp et Melina Hagberg – est excellent lui aussi.

 

Nikolaj Arcel maîtrise à la perfection son sujet. Il met remarquablement en scène cette histoire dramatique, cette fresque historique, ce film d’époque. King’s Land regorge de plans somptueux, notamment de la lande et du Clos du Roi, le petit domaine qu’a fait construire Van Kahlen dans le Jutland et qu’il a nommé ainsi. Mention particulière aux plans de nuit, admirables. Dans l’ensemble, la photographie est très belle.

 

L’écriture, elle, est ciselée : c’est extrêmement bien composé. Soulignons que, si le scénario est signé Nikolaj Arcel et Anders Tomas Jensen (qui est par ailleurs réalisateur ; il a notamment mis en scène l’excellent Adam’s Apples, avec Mads Mikkelsen là aussi), King’s Land se base sur un livre : le film est l’adaptation d’un roman écrit par Ida Jessen.

 

Bref, un film qui plein de qualités, qui tutoie les sommets.

 

Au sujet du titre

Le titre a subi plusieurs transformations.

• À l’origine, il y a un roman de Ida Jessen intitulé Kaptajnen og Ann Barbara (Le Capitaine et Ann Barbara). Ainsi, au départ, deux personnages se trouvent sur un pied d’égalité : Van Kahlen (le capitaine) et Ann Barbara (le personnage féminin le plus fort de l’œuvre, aussi fort à vrai dire que ceux de Van Kahlen et De Schinkel ; personnage-clé incarné par Amanda Collin).

• Le titre danois du film est beaucoup plus court : Bastarden (Batârds). Le personnage féminin disparaît complètement, le curseur est placé sur la rivalité entre les deux principaux personnages masculins du film : Van Kahlen et De Schinkel.

• Nouvelle transformation, pour le titre international : Promised Land (Terre promise). On se focalise non plus sur un ou des personnages, mais sur le Jutland, la terre promise, aux yeux de Van Kahlen.

• Enfin, une dernière mue : le titre choisi pour les pays francophones est King’s Land (La Terre du roi). Il s’agit toujours du Jutland, mais considéré sous un aspect différent : on ne se concentre à présent plus sur le rêve de Van Kahlen (la terre promise), mais sur le fait que cette terre est la propriété du roi.

 

Pour aller plus loin, quelques pépites du cinéma danois :

• Royal Affair (un autre film de Nikolaj Arcel, avec Mads Mikkelsen)

• Adam’s Apples (un film d’Anders Tomas Jensen, avec Mads Mikkelsen)

• Drunk (un film de Thomas Vinterberg, Oscar 2021 du meilleur film international, avec Mads Mikkelsen)

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