Les bandes originales dans le cinéma d'épouvante, lorsque l'horreur devient beauté
- Sandro Paulo
- il y a 3 jours
- 8 min de lecture
Pour ce nouveau numéro de La chronique qui fait peur, je vous invite à vous pencher avec moi sur une composante indispensable à tout film d’horreur réussi, à savoir une bande originale de qualité.

L’histoire du cinéma contemporain est intimement liée à la musique. Les bandes originales de chefs d'œuvres tels que Le Parrain, La liste de Schindler ou encore E.T. sont entrées dans l'inconscient de générations de spectateurs et de spectatrices. D’ailleurs, certains compositeurs de bandes originales sont désormais considérés comme des stars mondiales et remplissent les salles de concert à chacune de leur tournée. Ainsi, les yeux des cinéphiles du monde entier pétilleront à l’évocation de noms tels que ceux d’Ennio Morricone, John Williams ou encore Hans Zimmer pour ne citer qu’eux.
Mais vous me permettrez d’affirmer ici que dans le cinéma d’horreur, la musique prend une place un petit peu plus particulière que dans les autres genres du septième art. En effet, qu’est-ce qui fait un bon film d’horreur? Son scénario bien sûr, une figure monstrueuse charismatique (humaine ou surnaturelle) aussi, mais surtout, l’ambiance du film, et pour ce dernier point, quoi de mieux qu’une bande originale qui vous prend aux tripes dès ses premières notes?
Certaines bandes originales sont tellement réussies qu’elles sont parfois devenues aussi, voire plus connues, que le film dont elles devaient pourtant initialement être au service!
J’exagère? Vraiment? Mais qui n’a jamais fredonné la géniale mélodie des Dents de la mer lors de ses vacances d’été avant d'entrer dans l’eau turquoise de l’océan, devenue soudainement un endroit terrifiant, celui où règne un grand requin blanc avide de chair humaine?
Que dites-vous? Il nous faut un plus grand bateau? Je vous ai donc convaincus, c’est parfait!
Laissez-moi alors vous faire découvrir ou redécouvrir quelques-unes des œuvres musicales qui sont pour moi les plus marquantes du cinéma d’horreur des dernières décennies.
Hellraiser: Royaume-Uni (1987)

Réalisation: Clive Barker
Compositeur: Christopher Young
Titre: "Resurrection"
En 1987, Clive Barker réalise Hellraiser, adaptation de son roman court publié dans le troisième volume de la série Night Visions. Œuvre majeure du cinéma d’horreur générant un véritable culte auprès de ses fans, Hellraiser raconte l’histoire des Cénobites, créatures infernales, adeptes de sado-masochisme plongeant dans un univers de plaisir sexuel et de torture sadique quiconque les invoque à l’aide d’un mystérieux cube.
Christopher Young compose pour le film une musique classique inquiétante et inspirée, sublimée par des violons, lesquels emportent lentement les spectateurs et spectatrices dans l’univers torturé du réalisateur.
L’exorciste: États-Unis (1973)

Réalisation: William Friedkin
Compositeur: Mike Oldfield
Titre: "Tubular Bells"
S’il est un film qui a marqué et choqué des générations de spectateurs et de spectatrices à travers les décennies, c’est bien L’exorciste réalisé en 1973 par William Friedkin, adaptation du roman de William Peter Blatty. Cette histoire de possession, dans laquelle un prêtre ayant perdu la foi tente de sauver des flammes de l’enfer une jeune adolescente, est un véritable coup de poing pour quiconque le regarde pour la première fois. D’ailleurs, l’auteur de ces lignes a encore pu constater lors d’une récente projection de L’exorciste à la Cinémathèque Suisse qu’il est impossible de ressortir indemne d’une telle œuvre…
Plusieurs compositeurs sont en charge de la bande originale du film, mais s’il ne fallait retenir qu’un morceau, ce serait évidemment le Tubular Bells de Mike Oldfield. Ce qui est intéressant ici, c’est qu’en réalité le morceau associé au film n’est que l’introduction de l’album intitulé justement Tubular Bells, sorti en 1973. Il s’agit d’une sorte d’expérience musicale et l’album sera l’un des gros succès des années 1970 au Royaume-Uni.
Psychose: Etats-Unis (1960)

Réalisation: Alfred Hitchcock
Compositeur: Bernard Herrmann
Titre: "Prelude"
Pour son thriller horrifique Psychose, Alfred Hitchcock confie la composition de la bande originale à Bernard Herrmann, avec qui il a déjà travaillé sur de nombreux films et continuera de travailler (notamment sur Les oiseaux, autre film de genre réalisé par Hitchcock). Le travail du compositeur est à la hauteur du film d’Hitchcock, sombre et percutant, et la scène de la douche, qui est pour nombre de cinéphiles la mort la plus iconique du cinéma, est indissociable de la musique d’Herrmann. Le morceau choisi ici sera repris par des artistes en tout genre au fil des années et personnellement je vous recommande le morceau "Gimme some more", composé par la légende du rap Busta Rhymes.
Evil dead II: États-Unis (1987)

Réalisateur: Sam Raimi
Compositeur: Joseph LoDuca
Titre: " Behemoth"
Pour sa trilogie Evil Dead, Sam Raimi a fait appel à Joseph LoDuca, compositeur américain spécialisé dans la musique de films et de séries.
Je le dis tout de suite, Evil Dead 2 et Evil Dead 3 sont parmi mes films favoris et je suis un fan inconditionnel d'Ash, l’anti-héros par excellence interprété par Bruce Campbell.
Sam Raimi a posé à travers sa trilogie Evil Dead certaines bases du cinéma d'horreur reprises par nombre de réalisateurs et de réalisatrices encore aujourd’hui!
Il fallait pour ces films si particuliers une bande originale tantôt grandiloquente, presque grotesque, tantôt dramatique ou angoissante. Pari réussi pour Joseph LoDuca, et notamment pour son morceau "Behemoth".
It: États-Unis, Canada (1990)

Réalisateur: Tommy Lee Wallace
Compositeur: Richard Bellis
Titre: "Enter the clown"
On peut avancer sans prendre de risque que Tommy Lee Wallace a contribué avec It à la coulrophobie (peur excessive et irrationnelle des clowns) d'une génération d'enfants ayant visionné son adaptation du roman de Stephen King. Si le film est une réussite, notamment grâce à la performance de Tim Curry dans le rôle de Grippe-Sou le clown, la bande originale contribue également énormément à l'ambiance de l’œuvre dans son ensemble, son auteur utilisant la musique de cirque, associée normalement à la joie et à l’émerveillement, pour la détourner et en faire quelque chose d’inquiétant et d’oppressant. Richard Bellis remportera d’ailleurs un Emmy Award de la meilleure bande originale de mini-série pour son travail sur It.
Candyman: États-Unis (1992)

Réalisateur: Bernard Rose
Compositeur: Philip Glass
Titre: "Helen's Theme"
Film magnifique tiré du roman de Clive Barker, Candyman est sans conteste l’un des films d'horreur les plus importants du cinéma des années 1990. Son histoire tragique, l’interprétation de Tony Todd, le propos social du film, le mélange de gothique et de contemporain, pour l’auteur de cette chronique c'est une réussite totale. Ainsi, il fallait impérativement une musique à la hauteur de l’histoire transposée sur grand écran par Bernard Rose, Candyman étant l'adaptation d'une nouvelle de Clive Barker. Étonnamment, si Philip Glass a travaillé sur plusieurs plusieurs bandes originales de films dans sa carrière, le morceau utilisé pour Candyman n’a pas été composé pour le film expressément mais a été choisi par Bernard Rose avec l’accord du compositeur.
Dracula: États-Unis (1992)

Réalisateur: Francis Ford Coppola
Compositeur: Wojciech Kilar
Titre: "The brides"
En 1992, Francis Ford Coppola, immense cinéaste à qui l’on devait déjà la trilogie du Parrain ou encore Apocalypse Now, réalise un nouveau chef-d’œuvre avec son adaptation du roman de Bram Stocker Dracula.
Pour moi, tout est parfait dans Dracula.
Le film débute par une voix off racontant l’histoire du comte Dracula dans sa lointaine Transylvanie. Mélange de scènes filmées et de théâtre d’ombres, le tout accompagné d’une musique pesante mais enivrante, le long métrage happe immédiatement le spectateur… Pendant toute la durée du film, la musique de Wojciech Kilar nous accompagne, parfois romantique, parfois triste, parfois violente, une partition parfaite. Sans aucun doute l’une des meilleures bandes originales de l’histoire du cinéma. Wojciech Kilar remportera d’ailleurs en 1992 le prix de la société américaine des compositeurs, auteurs et éditeurs pour son travail sur le film.
La seule véritable question qui demeure quant au film de Francis Ford Coppola est la suivante; comment Gary Oldman n’a-t-il pas reçu l’oscar du meilleur acteur pour son interprétation géniale du célèbre vampire?
Les dents de la mer: États-Unis (1975)

Réalisateur: Steven Spielberg
Compositeur: John Williams
Titre: "Main title"
Le cas de Steven Spielberg et John Williams est assez particulier dans le sens où l’on peux parler d’osmose entre le réalisateur et le compositeur puisqu’ils collaboreront sur pas moins de 28 long-métrages ! John Williams recevra d’ailleurs 3 oscars pour son travail sur E.T., La liste de Schindler et enfin, Les dents de la mer. S’agissant de la bande originale des Dents de la mer, la recette est simple et efficace… Deux notes, mi et fa, jouées dans le grave, qui s’accélèrent, de plus en plus fort à mesure que le requin approche. Simple. Efficace. Comme une attaque de requin.
La malédiction: Royaume-Uni, États-Unis (1976)

Réalisateur: Richard Donner
Compositeur: Jerry Goldsmith
Titre: "Ave satani"
Trois ans après la sortie de L’exorciste, Richard Donner livre sa version du diable avec le cultissime La malédiction. A la musique, Jerry Goldsmith, compositeur génial ayant travaillé sur pas moins de 235 longs-métrages! La Planète des singes, Rambo ou encore Alien, le huitième passager ont contribué à faire du compositeur une figure incontournable du cinéma des dernières décennies.
Pour La malédiction, il composera l' "Ave Satani'', morceau inspiré de chants grégoriens qui viendra par ailleurs clôturer magnifiquement l’excellent préquel réalisé en 2024 par Arkasha Stevenson.
La chose: États-Unis (1982)

Réalisateur: John Carpenter
Compositeur: Ennio Morricone
Titre: "Humanity - partie 2"
Lorsque le plus grand réalisateur de films d’horreur rencontre le plus grand compositeur de bandes originales, qu'obtient-on? La bande originale de La chose. Si John Carpenter avait l’habitude de composer lui-même les bandes originales de ses films, il confie exceptionnellement la composition de la musique de son chef-d’œuvre à Ennio Morricone.
Le compositeur réussit magistralement à retranscrire l’atmosphère paranoïaque et nihiliste du film de John Carpenter grâce à une partition minimaliste et anxiogène. Du pur génie.
Si vous n'avez pas encore vu ce film, il faut absolument remédier à cela dans les meilleurs délais!
Vous l’imaginez bien, il a été très difficile pour moi de sélectionner les œuvres proposées dans cette chronique, tant le cinéma d’horreur regorge de bandes originales qui mériteraient que je vous en fasse l'éloge. Vous voudrez dès lors bien me pardonner si votre morceau favori a été malencontreusement oublié! Mais j’espère que vous aurez eu autant de plaisir à écouter les morceaux choisis pour cette chronique que l’auteur de ces quelques lignes a eu à vous les proposer… Et n'hésitez surtout pas à découvrir les bandes originales complètes des films mentionnés dans cet article, car de nombreux morceaux auraient mérité leur place ici.
Quant à moi, il ne me reste plus qu'à vous laisser monter le son et profiter d'un intermède musical sans doute bien mérité. Mais attention, si vous mettez la musique trop fort en écoutant ce nouveau numéro de La chronique qui fait peur, personne ne vous entendra crier…
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