78ᵉ Festival de Cannes: notre couverture
- Max Borg
- il y a 10 heures
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Cannes 2025, jour 3 : une dernière mission avec Tom Cruise et le désert d’Oliver Laxe
Le huitième volet de « Mission : Impossible » était au programme du troisième jour sur la Croisette.
La tradition veut que le premier mercredi du Festival de Cannes (ou le lendemain matin pour la presse) soit marqué par la présence d’un blockbuster américain, que ce soit un Indiana Jones, un Mad Max ou un Top Gun. Ce dernier, projeté avec succès en 2022, a vraisemblablement inspiré Tom Cruise et Paramount, puisqu’une deuxième visite cannoise a lieu à présent, cette fois avec Mission : Impossible – The Final Reckoning, une semaine avant sa sortie en salle (le 21 mai en Suisse romande).
Il y a le mot « final » dans le titre, et on sent effectivement une tentative de terminer l’histoire d’Ethan Hunt, l’agent du IMF (Impossible Mission Force) que Cruise incarne depuis 1996. Pour rappel, dans le volet précédent, Dead Reckoning, il apprenait l’existence d’une intelligence artificielle, l’Entité, qui avait pour but la domination du monde et l’extinction de l’humanité. Deux mois après la fin du septième épisode, Hunt a toutes les cartes en main pour détruire cet adversaire invisible, mais plusieurs personnes – dont les gouvernements de différents pays qui souhaitent avoir l’Entité de leur côté – ne l’entendent pas ainsi. Et s’il échoue, le résultat le plus probable sera une apocalypse nucléaire…
La première heure (sur trois) est un long résumé de ce qu’on a vu dans les sept films sortis entre 1996 et 2023, avec des solutions pas toujours très élégantes pour relier entre eux des éléments jusque-là indépendants. Mais une fois qu’on passe à l’intrigue à proprement parler, l’aspect attractif et spectaculaire de la franchise, avec des cascades époustouflantes et un sous-texte très clair sur le statut de Cruise dans une industrie cinématographique toujours plus amoureuse du numérique, reste intact et splendidement cohérent. Si c’est effectivement la fin, ce n’est pas mal du tout. Et si ça ne l’est pas, on souhaitera peut-être que l’acteur et producteur revienne à la formule originale de la série, avec un réalisateur différent pour chaque film (Christopher McQuarrie ayant mis en scène les quatre derniers).

Concernant la Compétition à présent, Sound of Falling est l’un des objets les plus curieux de la sélection, puisque c’est un deuxième long métrage réalisé par une cinéaste peu connue, l’Allemande Mascha Schilinski (son premier film, Dark Blue Girl, fut montré à la Berlinale en 2017, mais dans une section mineure). C’est une très belle découverte, un portrait ambitieux de vies de femmes à travers les parcours, séparés chronologiquement mais liés thématiquement, de quatre filles qui, sur une période de cent ans, ont toutes, à un moment ou l’autre, vécu dans la même ferme dans la région du Altmark. Subtilement impressionnant du point de vue de la photo et du montage, et superbement joué par les quatre protagonistes.

Aussi en lice pour la Palme d’Or, Sirât est un objet différent, le quatrième film du cinéaste franco-espagnol Oliver Laxe et son premier en Compétition, après avoir précédemment présenté ses longs métrages à la Quinzaine, la Semaine et, en 2019, au Certain Regard. Le film se déroule dans le désert marocain, le titre dérive d’un terme islamique indiquant le pont entre Paradis et Enfer, où l’âme doit faire face à sa vraie nature. C’est ici qu’un homme (Sergi López) cherche sa fille, qui était venue pour faire la fête. Après une première moitié assez conventionnelle sur le plan de l’enjeu dramatique, le récit change soudainement de cap, et on est aussi déroutés que les personnages par ce virage surprenant et radical. En raison de ce contraste, j’étais un peu moins emballé que d’autres journalistes, mais le résultat est tout à fait admirable, et justifie l’accession du cinéaste à la catégorie la plus prestigieuse du Festival.

Cannes 2025, jour 2 : Campillo, Wandel et Loznitsa
Notre chroniqueur a vu trois films lors du deuxième jour du Festival de Cannes, dont un de la Compétition.
« Un film de Laurent Cantet, réalisé par Robin Campillo ». C’est la définition officielle, que l’on retrouve dans le générique, d’Enzo, l’œuvre choisie par Julien Rejl et son équipe pour l’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes. Cantet, qui était censé mettre en scène le long métrage, est décédé avant de commencer à tourner, et c’est à ce moment-là que son confrère et coscénariste Campillo a repris le flambeau pour raconter l’histoire d’un jeune homme troublé par l’inquiétude, qui ne sait pas très bien ce qu’il veut faire de sa vie, et que les attentes de ses parent (Pierfrancesco Favino et Elodie Bouchez) ne contribuent pas nécessairement à aider.

Au niveau scénaristique, on perçoit la synergie entre Campillo et le regretté Cantet, le récit étant un mélange de sujets chers aux deux cinéastes, du portrait de la jeunesse à la question des tensions liées à l’attraction physique (peut-être pas réciproque, en l’occurrence). La mise en scène, en revanche, révèle les fragilités de Campillo puisqu’il essaye de s’approcher d’un monde qui n’est pas entièrement le sien, avec certaines scènes qui mettent en évidence une diminution de l’énergie dramatique qui traverse le reste du film. Un produit hybride, donc, fascinant mais pas entièrement abouti.
Du côté de la Semaine de la Critique, c’est une production francophone qui a ouvert la section : L’Intérêt d’Adam, deuxième long métrage de la cinéaste belge Laura Wandel, révélée au Certain Regard en 2021 avec l’époustouflant Un monde, qui fut choisi pour représenter la Belgique aux Oscars. Cette fois, on n’est pas dans une école mais à l’hôpital, où l’état de santé d’un enfant (Adam, donc) est l’objet du conflit entre sa mère (Anamaria Vartolomei, toujours aussi intense) et les services sociaux. L’infirmière Lucy (Léa Drucker, magnifique) essaie de gérer au mieux le chaos qui en résulte. Avec un rythme de thriller, ce drame familial a une démarche un peu plus classique par rapport au film précédent de Wandel, mais la sincérité émotionnelle reste tout aussi puissante, notamment vers la fin.

Entre deux nouveautés, j’aurais bien aimé assister aux deux séances de Cannes Classics introduites par Quentin Tarantino, un double programme western en hommage à George Sherman, mais je n’avais pu réserver ma place que pour le deuxième, que j’ai finalement annulé. Or, un ami qui était présent pour les deux longs métrages m’a raconté que c’était effectivement un événement unique et les gens étaient invités à rester dans la salle pendant la pause (qui s’est tranformée en une conversation de 45 minutes avec Tarantino). Résultat : les personnes qui avaient une place pour le deuxième film risquaient de ne pas pouvoir entrer dans la salle. Mais du coup, pourquoi ne pas faire un billet unique ?
Pour finir, notre premier contact avec la Compétition a eu lieu à travers le nouveau film de fiction de Sergei Loznitsa, cinéaste ukrainien qui fait surtout des documentaires. S’inspirant d’une nouvelle, il signe avec Deux Procureurs un portrait formellement impeccable du système judiciaire à l’époque de Staline. Bien joué et parfaitement maîtrisé en termes de langage cinématographique, le film demeure pourtant un peu froid par moments, avant d’arriver à une conclusion prévisible, certes, mais néanmoins très forte.

Cannes 2025 : présentation
Pensées préliminaires de notre chroniqueur Max Borg sur la 78e édition du Festival de Cannes.
Depuis quelques années, le Festival de Cannes est un peu boulimique du côté de la Sélection Officielle, certains films pouvant difficilement être vus en raison de leur présence réduite sur la Croisette. On est arrivé jusqu’à annoncer à la dernière minute, le 9 mai (la kermesse commençant le 13), l’ajout de trois documentaires liés à la question ukrainienne, un hommage très fort qui risque, hélas, d’être passablement ignoré par la presse accréditée qui se concentrera plutôt sur les deux événements d’ouverture : La ruée vers l’or de Chaplin en copie restaurée et la première mondiale de Partir un jour, qui sort en même temps dans les salles françaises et romandes.

Et là, encore, il y a la possibilité concrète de voir ces films. Mais quel est l’intérêt, par exemple, de sélectionner 13 jours 13 nuits, le nouveau long métrage de Martin Bourboulon (Les trois mousquetaires), ajouté tellement tard que la seule façon de le voir est d’aller à la projection officielle, où les places pour les journalistes sont limitées ? Le but d’un festival, c’est de mettre en valeur les films, mais là ça pourrait ne pas donner grand-chose.
Et pourtant, Cannes reste le rendez-vous cinéphile le plus prestigieux, avec plusieurs films très attendus réalisés par des cinéastes de renom, notamment dans la compétition qui sera jugée par un jury présidé par Juliette Binoche : on y retrouve, entre autres, Lynne Ramsay, Richard Linklater (avec un film sur le tournage d’À bout de souffle), les frères Dardenne, Jafar Panahi. Mais il y a aussi de la place pour les nouveaux talents, en commençant par le déjà mentionné Partir un jour, ce film d’ouverture qui est aussi le premier long métrage d’Amélie Bonnin, réélaboration du court métrage du même nom qu’elle a réalisé en 2021.

Parmi les cinéastes qui espèrent obtenir la Palme d’Or, il y également Hafsia Herzi, actrice talentueuse qui est aussi active derrière la caméra, tout comme ses collègues qui, ayant conquis les fans du monde entier, participent au Certain Regard, l’autre section compétitive de la Sélection Officielle, avec leurs premières réalisations : c’est le cas de Kristen Stewart, Scarlett Johansson et Harris Dickinson.
Et encore : de l’animation, en particulier le très attendu Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet, hommage à un grand nom du cinéma français (dont on pourra aussi voir, dans le cadre de Cannes Classics, la copie restaurée de Merlusse, le film qui a inspiré Alexander Payne pour son Winter Break). Ou les séances de minuit, dont un créneau accordé à Ethan Coen qui tourne pour la troisième fois sans son frère Joel. Ou les restaurations numériques, accompagnées par des invités exceptionnels comme Quentin Tarantino, qui présentera deux westerns classiques, ou Kevin Smith, qui fête avec les Cannois sa récente récupération des droits de Dogma, la comédie religieuse qui revient sur la Croisette 26 ans après sa première en 1999.
Bref, il y en a, encore une fois, pour tous les goûts (on n’a même pas mentionné les courts métrages, formidable carte de visite pour la relève qui reviendra peut-être avec des longs), de l’action (le huitième Mission : Impossible) aux récits plus contemplatifs (nous sommes curieux de découvrir le film sur Magellan réalisé par Lav Diaz). Pourvu, bien sûr, qu’il soit possible de voir ces œuvres, ce qui n’est pas toujours évident depuis que le festival est passé à la réservation en ligne et qu’on a parfois l’impression que certains titres demeurent inaccessibles. Qu’en sera-t-il cette année ? Nous essaierons de répondre dans les jours qui viennent.
Programme de la sélection officielle
Le Festival de Cannes 2025 se déroule du mardi 13 au samedi 24 mai. Cette année, c'est Juliette Binoche qui est la présidente du jury.
Une fois n'est pas coutume, clap.ch est sur place. Chaque jour, notre rédacteur Max Borg vous parlera de la manifestation cannoise.
En lice pour la plus importante récompense du festival, la Palme d'or, on trouve notamment la Française Julia Ducournau qui avait marqué la Croisette avec Titane en 2021 (Palme d'or) et les frères belges Jean-Pierre et Luc Dardenne, qui détiennent, eux, déjà deux Palmes d'or (l'une remportée en 1999 pour Rosetta et l'autre en 2005 pour L'Enfant). Julia Ducournau présentera au cours de cette édition son nouveau long métrage Alpha et les frères Dardenne leur film Jeunes mères.
D'autres metteurs en scène de grande envergure apparaissent dans la compétition officielle, tels l'Iranien Jafar Panahi (Un simple accident) ou les Américains Wes Anderson (The Phoenician Scheme) et Richard Linklater (Nouvelle vague).
FILM D'OUVERTURE
Partir un jour de Amélie Bonnin
EN COMPÉTITION (LONGS MÉTRAGES)
Cette section prestigieuse compte cette année 22 films :
The Phoenician Scheme de Wes Anderson
Eddington de Ari Aster
Jeunes Mères de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Alpha de Julia Ducournau
Renoir de Chie Hayakawa
The History of Sound de Oliver Hermanus
La Petite Dernière de Hafsia Herzi
Sirât de Óliver Laxe
Nouvelle Vague de Richard Linklater
Deux Procureurs de Sergueï Loznitsa
Fuori de Mario Martone
L’Agent Secret de Kleber Mendonça Filho
Dossier 137 de Dominik Moll
Un Simple Accident de Jafar Panahi
The Mastermind de Kelly Reichardt
Les Aigles de la République de Tarik Saleh
Sound of Falling de Mascha Schilinski
Romería de Carla Simón
Valeur Sentimentale de Joachim Trier
Die my Love de Lynne Ramsay
Woman and Child de Saeed Roustayi
Résurrection de Bi Gan
UN CERTAIN REGARD
Cette section se focalise sur des œuvres singulières et des talents émergents:
Eleanor the Great de Scarlett Johansson (premier film)
The Chronology of Water de Kristen Stewart (premier film)
Urchin de Harris Dickinson (premier film)
Love Me Tender de Anna Cazenave Cambet
Le Mystérieux Regard du Flamant Rose de Diego Céspedes (premier film)
Météors de Hubert Charuel
My Father’s Shadow de Akinola Davies Jr. (premier film)
L’Inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier
Homebound de Neeraj Ghaywan
Pillion de Harry Lighton (premier film)
Aisha Can't Fly Away Anymore de Morad Mostafa (premier film)
Once Upon a Time in Gaza de Arab et Tarzan Nasser
Le Rire et le Couteau de Pedro Pinho
The Plague de Charlie Polinger (premier film)
Promis le Ciel de Erige Sehiri
Le Dernier pour la Route de Francesco Sossai
Testa o Croce ? de Matteo Zoppis, Alessio Rigo de Righi
Karavan de Zuzana Kirchnerová (premier film)
A Pale View of Hills de Kei Ishikawa
Un Poeta de Simón Mesa Soto
HORS COMPÉTITION
Les projections hors compétition incluent des films très attendus parmi lesquels :
Mission: Impossible – The Final Reckoning avec Tom Cruise
Highest 2 Lowest de Spike Lee, avec Denzel Washington
CANNES PREMIÈRE
Amrum de Fatih Akin
Connemara de Alex Lutz
La Disparition de Josef Mengele (Das Verschwinden des Josef Mengele) de Kirill Serebrennikov
Love on Trial (Renai Saiban) de Kōji Fukada
The Love That Remains (Ástin sem eftir er) de Hlynur Pálmason
Ma frère de Lis Akoka et Romane Gueret
Magellan (Magalhães) de Lav Diaz
La Vague (La Ola) de Sebastián Lelio
Orwell: 2+2=5 de Raoul Peck
Splitsville de Michael Angelo Covino
SÉANCES SPÉCIALES
Amélie et la Métaphysique des Tubes de Mailys Vallade et Liane-Cho Han
Arco de Ugo Bienvenu
Bono: Stories of Surrender de Andrew Dominik
Dites-lui que je l’aime de Romane Bohringer
L’Homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme de Pierre Richard
Mama de Or Sinai
Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet
Qui brille au combat de Joséphine Japy
The Six Billion Dollar Man de Eugene Jarecki
CANNES CLASSICS
Cette section rend hommage au patrimoine cinématographique, on y trouve des restaurations et des documentaires comme:
La Ruée vers l’or de Charlie Chaplin
Vol au-dessus d’un nid de coucou de Miloš Forman
Amours chiennes de Alejandro González Iñárritu
Yi Yi de Edward Yang
Barry Lyndon de Stanley Kubrick
David Lynch, une énigme à Hollywood de Stéphane Guez (documentaire)
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