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Cinétoile

78ᵉ Festival de Cannes: notre couverture

PALMARÈS


Longs métrages


Palme d’or 

UN SIMPLE ACCIDENT de Jafar PANAHI 


Grand Prix 

AFFEKSJONSVERDI (VALEUR SENTIMENTALE) de Joachim TRIER 


Prix du Jury (ex-æquo) 

SIRÂT d’Oliver LAXE 

SOUND OF FALLING de Mascha SCHILINSKI 


Prix de la Mise en Scène

Kleber MENDONÇA FILHO pour O AGENTE SECRETO (L’AGENT SECRET) 


Prix du Scénario 

Jean-Pierre DARDENNE et Luc DARDENNE pour JEUNES MÈRES 


Prix d’Interprétation Féminine 

Nadia MELLITI dans LA PETITE DERNIÈRE réalisé Hafsia HERZI


Prix d’Interprétation Masculine 

Wagner MOURA dans O AGENTE SECRETO réalisé par Kleber MENDONÇA FILHO 


Prix Spécial 

KUANG YE SHI DAI (RESURRECTION) de Bi GAN 


Courts métrages


Palme d’or 

I’M GLAD YOU’RE DEAD NOW de Tawfeek BARHOM 


Mention spéciale 

ALI d’Adnan AL RAJEEV 


Un Certain Regard


Prix Un Certain Regard 

LA MISTERIOSA MIRADA DEL FLAMENCO (THE MYSTERIOUS GAZE OF THE FLAMINGO)de Diego CÉSPEDES


Prix du Jury

UN POETA de Simón MESA SOTO 


Prix de la Mise en Scène

Arab et Tarzan NASSER pour Once Upon a Time in Gaza 


Meilleur Acteur

Frank DILLANE dans Urchin réalisé par Harris Dickinson 


Meilleure Actrice 

Cleo DIÁRA dans O Riso e a Faca (Le Rire et le Couteau) réalisé par Pedro Pinho 


Meilleur Scénario 

PILLION d’Harry LIGHTON


Caméra d’or


Prix de la Caméra d’or 

THE PRESIDENT’S CAKE d’Hasan HADI Quinzaine des Cinéastes 


Mention spéciale 

MY FATHER’S SHADOW d’Akinola DAVIES JR Un Certain Regard 


La Cinef


Premier Prix 

FIRST SUMMER de Heo GAYOUNG KAFA, Corée du Sud 


Deuxième Prix 

12 MOMENTS BEFORE THE FLAG- RAISING CEREMONY de QU Zhizheng Beijing Film Academy, Chine 


Troisième Prix (ex-æquo) 

GINGER BOY de Miki TANAKA ENBU Seminar, Japon 

WINTER IN MARCH de Natalia MIRZOYAN Estonian Academy of Arts, Estonie 


Commission Supérieure Technique 

LE PRIX CST DE L’ARTISTE-TECHNICIEN est décerné à Ruben Impens, Directeur de la photographie, et Stéphane Thiébaut, Mixeur, du film ALPHA réalisé par Julia Ducournau 

LE PRIX CST DE LA JEUNE TECHNICIENNE DE CINEMA est décerné à Éponine Momenceau, Cheffe opératrice image du film Connemara réalisé par Alex Lutz


Cannes 2025, jour 12: le public dans le noir

Le dernier jour du 78e Festival de Cannes a été marqué par un incident technique.


Depuis 2021, la dernière journée du Festival de Cannes se déroule dans deux bâtiments différents: le Palais des Festivals, où ont lieu la reprise de l’intégralité de la Compétition et la remise des prix (et, si elle est prévue cette année-là, la Dernière Séance, c’est-à-dire le film de clôture), et le Cinéum, le multiplex qui propose différentes reprises de films issus de toutes les sections de la Sélection Officielle. C’est le lieu où, traditionnellement, les cinéphiles et les journalistes encore sur place rattrapent notamment la dernière Séance de Minuit, en l’occurrence Honey Don’t! d’Ethan Coen.


Sauf que cette projection supplémentaire, comme toutes celles qui étaient prévues au Cinéum entre 11h et 16h, ont été annulées suite à une panne d’électricité qui a touché la région entière pendant presque sept heures. Les séances au Palais ont eu lieu normalement, le «bunker» (comme l’appellent certains) disposant d’un générateur autonome en cas d’urgence ; nous qui étions à l’autre endroit, nous avons dû nous contenter de voir une partie du film d’animation Amélie et la métaphysique des tubes, d’après l’œuvre d’Amélie Nothomb. Esthétiquement séduisant, mais difficile de juger le long métrage en entier sans avoir vu les 20-25 dernières minutes. Nous les rattraperons d’une manière ou d’une autre.


Amélie et la métaphysique des tubes, un film d'animation, d’après l’œuvre de l'écrivaine Amélie Nothomb intitulée Métaphysique des tubes
Amélie et la métaphysique des tubes, un film d'animation, d’après l’œuvre de l'écrivaine Amélie Nothomb intitulée Métaphysique des tubes

De retour au Palais, nous avons pu trouver une place pour Un simple accident de Jafar Panahi. Nous l’avons vu en même temps qu’avait lieu la cérémonie de clôture, qui s’est achevée avec l’attribution de la Palme d’Or… au film de Panahi! Le cinéaste iranien devient ainsi le deuxième réalisateur, après Michelangelo Antonioni, à avoir remporté le prix principal dans les quatre grands festivals européens (Berlin, Cannes, Venise, Locarno). Et cette fois, il a pu assister à la cérémonie sur place – ces dernières années, il n’avait pas pu être présent à Cannes et ailleurs, car le régime iranien l’empêchait de voyager.

 

Un prix mérité? Plutôt, oui. Un simple accident n’est pas son meilleur film, mais c’est admirable de voir un tel exercice de genre – une comédie noire sur les conséquences d’un accident – parfaitement maîtrisé et prêt à critiquer le régime de son pays d’origine, le même régime qui n’hésitera pas à punir Panahi pour la énième fois dès qu’il sera chez lui (car contrairement à son confrère Mohammad Rasoulof, qui vit actuellement en Allemagne, le cinéaste ne pense pas à l’option de l’exil pour l’instant). Une œuvre courageuse et drôle, à ne pas rater lorsqu’elle sortira.


Un simple accident, réalisé par le cinéaste iranien Jafar Panahi, couronné par la Palme d'Or du 78e festival de Cannes
Un simple accident, réalisé par le cinéaste iranien Jafar Panahi, couronné par la Palme d'Or du 78e festival de Cannes

Dernier rattrapage avant notre voyage de retour, Jeunes mères a lui aussi remporté un prix, celui du scénario, une décision très généreuse de la part de Juliette Binoche et ses collègues. C’était parfaitement prévisible qu’il gagne quelque chose, puisque c’est le nouveau film des frères Dardenne et presque tous les longs métrages du duo belge ont été récompensés par les jury cannois. En fait, c’est devenu une blague entre journalistes d’essayer de deviner de quel prix il s’agira, dès que la Sélection Officielle est annoncée.

 

Cela dit, le film – déjà au cinéma en Suisse romande – n’est pas du tout inintéressant. Comme l’indique le titre, c’est encore une fois un récit de (jeunes) femmes à Liège et alentours: des adolescentes ou jeunes adultes enceintes ou déjà mères reçoivent de l’aide pour soit réussir à vivre de façon indépendante avec leurs enfants, soit les confier à des familles d’accueil. Très linéaire, comme d’habitude, et pas très original ou audacieux, mais les prestations sont tellement naturelles et convaincantes qu’il est difficile de ne pas être émus à un moment ou deux.


Jeunes mères, réalisé par les frères Dardenne, en lice pour la Palme d'Or
Jeunes mères, réalisé par les frères Dardenne, en lice pour la Palme d'Or

Cannes 2025, jour 11: le film «fantôme»

Nous avons été parmi les rares à accéder à celle qui était la seule projection d’un film en Sélection Officielle. 


Depuis quelques années, Cannes est boulimique, avec un nombre de films qui rend difficile de tous les programmer de manière cohérente. Alors que dans les autres grand festivals la norme est d’avoir 4-5 projections pour chaque titre (sauf exceptions comme les films qui passent sur la Piazza Grande à Locarno), il arrive que sur la Croisette on n’ait que deux créneaux possibles pour certaines œuvres (ce fut le cas en 2023 avec Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese, que votre serviteur dut rattraper au Festival de Zürich cinq mois plus tard). Voire un seul. 


C’est ce qui s’est produit avec 13 jours, 13 nuits, le nouveau long métrage de Martin Bourboulon (Les trois mousquetaires version 2023). Un ajout tardif à la Sélection Officielle, tellement tardif que la grille horaire était déjà plus ou moins complète et il n’était pas possible de le montrer en dehors de la séance de gala au Grand Théâtre Lumière. Certes, on parle d’un film qui n’aura vraisemblablement pas beaucoup d’intérêt hors France, mais c’est quand même bizarre. 


Tiré d’événements réels, le film se déroule en Afghanistan en 2021, lorsque les Talibans occupent de nouveau Kaboul et l’Ambassade de France – la dernière mission occidentale encore sur place – fait de son mieux pour évacuer les personnes qui sont encore dans le bâtiment. Roschdy Zem, Lyna Khoudri et Sidse Babett Knudsen sont plutôt efficaces, mais comme pour Eiffel , le récit biographique où Romain Duris jouait le créateur de la célèbre Tour parisienne, on sent que Bourboulon n’est jamais totalement à l’aise avec un sujet qui n’accorde pas vraiment de place pour un minimum de légèreté. De plus, le scénario et le montage ne transmettent jamais vraiment la sensation des 13 jours et du suspens qui irait avec. 


En attendant le palmarès (et, pour les journalistes encore à Cannes, les séances de rattrapage avant la cérémonie finale), la Compétition s’est achevée avec The Mastermind, récit criminel mis en scène par Kelly Reichardt, avec Josh O’Connor (dans son deuxième rôle cannois cette année après The History of Sound) qui joue le personnage principal. Un film qui semble venir de ces années 1970 qu’il recrée à l’écran, en racontant une Amérique d’autres temps mais peut-être pas si éloignée que ça du chaos politique actuel (le contexte historique étant évoqué à la télé, notamment). Élégant, intelligent et très humain. 


The Mastermind de Kelly Reichardt
The Mastermind de Kelly Reichardt

Cannes 2025, jour 10: un western italien et Kevin Smith restauré 

Le Festival touche gentiment à sa fin avec des propositions diversifiées. 


On s’approche de la clôture du 78ᵉ Festival de Cannes (à l’heure où j’écris ces lignes, il reste deux films à projeter en Compétition), et la fatigue commence à s’imposer, certains préférant sécher les projections à 8h30 et se rendre en salle directement à 11h. C’est que nous avons fait hier avec notre premier film de la journée, le deuxième titre italien du Certain Regard (et troisième de la Sélection Officielle en général): Pile ou face ? (Testa o croce?), un western où le modèle américain entre en contact avec ses disciples de la péninsule. 


John C. Reilly joue le rôle de Buffalo Bill Cody, tandis qu’Alessandro Borghi et Nadia Tereszkiewicz sont les deux protagonistes en cavale, au milieu d’un désert italien qui se fait toujours plus surréel à chaque minute qui passe. Les deux cinéastes Alessandro Rigo de Righi et Matteo Zoppis étaient déjà venus à Cannes, à la Quinzaine, en 2021 avec leur premier long métrage Re granchio, et à présent ils confirment leur statut d’auteurs originaux et créatifs que l’on va vraisemblablement retrouver de nouveau sur la Croisette dans quelques années. Peut-être en Compétition la prochaine fois?


Et puisqu’on parle des titres en lice pour la Palme d’Or, nous avons loupé le Jafar Panahi (le calendrier des projections presse étant particulièrement compliqué cette année), mais nous avons pu voir l’autre film iranien de la Compétition, Woman and Child de Saeed Roustaee, dont nous avions beaucoup aimé Leila’s Brothers il y a trois ans. Ce nouveau film est un peu moins équilibré, la structure du mélodrame requérant un peu de temps pour bien se mettre en forme, mais une fois que l’enjeu est bien encadré ça devient passionnant, grâce surtout aux prestations majeures des comédiennes. Prix collectif pour l’interprétation? C’est une possibilité. 


Woman and Child de Saeed Roustaee
Woman and Child de Saeed Roustaee


Et pendant que les journalistes se préparaient pour Resurrection de Bi Gan (que nous rattraperons ailleurs, en festivals ou en salle), nous nous sommes accordé un dernier détour en zone Cannes Classics, à savoir pour la version 4K de Dogma, la comédie catholique de Kevin Smith qui fit l’objet d’une projection hors compétition en 1999. Longtemps difficile à voir, puisque les droits appartenaient directement à Harvey Weinstein («Le diable», d’après le cinéaste), il va maintenant ressortir au cinéma un peu partout, et Smith était là pour l’accompagner. Avec une petite mise à jour côté filmographie: si tout se passe bien, il aimerait être de retour sur la Croisette en 2027, pour le 80e anniversaire du Festival. Avec quel film? La suite de Dogma



Cannes 2025, jour 9: des histoires de familles

Scarlett Johansson et Joachim Trier ont marqué le neuvième jour du Festival de Cannes.


Alors que The Chronology of Water, première réalisation de Kristen Stewart, a été le film le plus difficile à voir à Cannes cette année (pour notre part, on attendra une autre occasion), nous avons eu de la chance d’avoir une place pour Eleanor the Great, le début derrière la caméra de Scarlett Johansson, présenté dans la section Un Certain Regard. Un début très classique, peu ambitieux au niveau formel, mais plutôt charmant avec son récit d’amitié et de vieillesse. June Squibb est encore une fois brillante, jouant en l’occurrence une femme de 94 ans qui doit se réinventer lorsque sa meilleure amie meurt soudainement.


Eleanor the Great, le premier long métrage de Scarlett Johansson en tant que réalisatrice
Eleanor the Great, le premier long métrage de Scarlett Johansson en tant que réalisatrice

Toujours dans la section Un Certain Regard, les festivaliers ont pu voir le deuxième long métrage italien de la Sélection Officielle: Le dernier pour la route, un road movie intelligent et plein d’humour. Alors qu’un soir deux meilleurs amis quinquagénaires sont en quête d’un dernier verre, ils tombent sur un jeune étudiant qui les accompagnera. C’est surprenant venant de Francesco Sossai, précédemment connu pour ses films de genre, mais le portrait de sa région natale est séduisant et la relation entre les trois protagonistes impeccablement jouée par les comédiens.


Le dernier pour la route, réalisé par le cinéaste italien Francesco Sossai, un road movie intelligent et plein d’humour
Le dernier pour la route, réalisé par le cinéaste italien Francesco Sossai, un road movie intelligent et plein d’humour

Du côté de la Compétition, Oliver Hermanus, cinéaste sud-africain qui tourne depuis quelque temps dans un contexte anglo-saxon, a fait son début parmi les candidats à la Palme d’Or avec The History of Sound, l’histoire de l’amitié entre deux hommes étudiant la musique (Paul Mescal et Josh O’Connor) qui partent en voyage pour enregistrer et cataloguer les chansons traditionnelles américaines. Ça se passe il y a cent ans, c’est très élégant et très soigné au niveau du son, mais un peu froid sur le plan émotionnel, bien que les deux acteurs soient plutôt efficaces en binôme.


The History of Sound, réalisé par le cinéaste sud-africain Oliver Hermanus, en lice pour la Palme d'Or
The History of Sound, réalisé par le cinéaste sud-africain Oliver Hermanus, en lice pour la Palme d'Or

En revanche, l’autre candidat pour la Palme d’Or que nous avons vu est un choc cinématographique, notre coup de cœur à ce jour, notre favori pour le prix principal: Sentimental Value, du réalisateur norvégien Joachim Trier. Art, dépression, famille, tout se mélange magnifiquement dans ce récit qui permet au cinéaste de retrouver la sublime Renate Reinsve, en l’occurrence pour le rôle d’une actrice névrosée qui n’a jamais entièrement digéré la séparation de ses parents quand elle était petite, et qui se retrouve soudain avec une proposition cinématographique venant de son père cinéaste (Stellan Skarsgård, d’une vulnérabilité émouvante). Délicat, sincère, séduisant, drôle, touchant. Et c’est aussi une belle représentation de ce qui se passe vraiment dans les coulisses du cinéma scandinave en termes de co-production: ça se passe en Norvège, le metteur en scène du film, dans le film, est suédois, et son producteur (joué par Jesper Christensen) danois. Nuance peut-être imperceptible hors des pays nordiques, mais qui contribue à la richesse du long métrage de Trier.


Sentimental Value, réalisé par le cinéaste norvégien Joachim Trier, en lice pour la Palme d'Or, le coup de coeur du festival, à ce jour, pour notre chroniqueur
Sentimental Value, réalisé par le cinéaste norvégien Joachim Trier, en lice pour la Palme d'Or, le coup de coeur du festival, à ce jour, pour notre chroniqueur


Cannes 2025, jour 8: Egypte, Brésil et Australie

Le huitième jour du Festival de Cannes nous a fait voyager aux quatre coins du monde.


Suédois d’origine égyptienne, le cinéaste Tarik Saleh a inauguré en 2017 une trilogie de thrillers qui se déroulent au Caire, avec l’acteur Fares Fares dans le rôle principal. Le deuxième volet, Boy From Heaven, fut sélectionné en compétition à Cannes en 2022, et Saleh est de retour, trois ans plus tard, avec Les aigles de la République. Cette fois, il est question de cinéma, avec Fares (toujours aussi bluffant dans des rôles ayant exigé qu’il apprenne l’arabe égyptien, alors qu’il est libanais) jouant George Fahmy, une vedette à qui l’on demande d’être le protagoniste d’un film de propagande. Pendant le tournage, il entame une liaison dangereuse avec la femme du général qui supervise le projet. C’est une satire plutôt réussie, mais l’aspect sentimental n’est pas suffisamment abouti.


Les aigles de la République, réalisé par Tarik Saleh, en lice pour la Palme d'Or
Les aigles de la République, réalisé par Tarik Saleh, en lice pour la Palme d'Or

C’était en Compétition, tout comme L’agent secret, le nouveau long métrage du cinéaste brésilien Kleber Mendonça Filho, qui se veut une sorte de résumé de toutes les obsessions du réalisateur: politique, cinéma de genre, la ville de Recife où il a grandi, la cinéphilie (Les dents de la mer comme film de chevet du personnage principal est un détail autobiographique). Il faut de la patience de la part du public, car le film dure 158 minutes, ce qui est beaucoup même pour une histoire d’espionnage, mais c’est très bien construit et c’est une joie de retrouver Wagner Moura dans un rôle brésilien. On en parle comme d’une possibilité concrète pour la Palme d’Or, et ce ne serait pas pour nous déplaire.


L’agent secret, le nouveau long métrage du cinéaste brésilien Kleber Mendonça Filho, en lice pour la Palme d'Or
L’agent secret, le nouveau long métrage du cinéaste brésilien Kleber Mendonça Filho, en lice pour la Palme d'Or

Aussi en lice pour la Palme d’Or, Fuori (vu en projection anticipée en Italie avant le Festival) est le nouveau travail de Mario Martone, sur une partie de la vie de l’écrivaine Goliarda Sapienza (jouée par Valeria Golino, qui a adapté son roman L’art de la joie l’an dernier). Un portrait passionnant et rigoureux de la condition de la femme en Italie dans les années 1980, à travers l’histoire du lien qui se crée entre Sapienza et celles avec qui elle partage brièvement l’expérience de la prison. Prestation notable de la part d’Elodie, chanteuse pop qui fait du cinéma depuis quelques années.


Fuori, réalisé par le cinéaste italien Mario Martone, en lice pour la Palme d'Or
Fuori, réalisé par le cinéaste italien Mario Martone, en lice pour la Palme d'Or

Hors Compétition, Spike Lee a fait son grand retour sur la Croisette et retrouvé son ami et collaborateur Denzel Washington pour Highest 2 Lowest, qui s’inspire du roman King’s Ransom d’Ed McBain (avec des éléments de la précédente adaptation, Entre le ciel et l’enfer d’Akira Kurosawa). Un thriller urbain qui met en scène de manière épatante la ville de New York, tout en explorant des questions d’identité dans la communauté afro-américaine (c’est particulièrement intéressant de voir ce film parlant de l’industrie musicale, si peu de temps après le formidable Sinners de Ryan Coogler). Co-produit par Apple, il devrait néanmoins sortir en salle avant sa mise en ligne sur la plateforme de la société.


Highest 2 Lowest, réalisé par Spike Lee, avec Denzel Washington
Highest 2 Lowest, réalisé par Spike Lee, avec Denzel Washington

Et pour finir, du côté de la Quinzaine des Cinéastes, c’était un autre grand retour, celui de Sean Byrne, dont on n’avait plus de nouvelles depuis The Devil’s Candy, sorti en 2015. Après cette expérience américaine, il est rentré chez lui en Australie (où il avait réalisé le sublime The Loved Ones) pour tourner Dangerous Animals, qui parle d’un psychopathe s’amusant à filmer les touristes lorsqu’il les jette en mer afin qu’ils soient dévorés par les requins. Jai Courtney est phénoménal, et même si le film n’arrive pas toujours à garder la même énergie quand il n’est pas à l’écran, c’est un très sympathique exercice de tension et de gore. Idéal pour le public de minuit.


Dangerous Animals, réalisé par Sean Byrne
Dangerous Animals, réalisé par Sean Byrne

Cannes 2025, jour 7: une femme riche et un métro infernal

Le cinéma de genre avait une place importante lors du septième jour du Festival de Cannes.


Peut-on avoir un Festival de Cannes sans Isabelle Huppert? Que ce soit en Sélection Officielle ou dans les sections parallèles indépendantes, la grande comédienne fait partie de la famille cannoise depuis des années, et 2025 n’était pas une exception. En l’occurrence, elle était à l’affiche de la comédie La femme la plus riche du monde, librement tirée d’une histoire vraie et centrée sur la relation professionnelle et humaine entre une femme d’affaires (Huppert) et un photographe (Laurent Lafitte). Ils sont absolument superbes ensemble, et constituent la meilleure raison de voir ce film sympa mais très élémentaire du point de vue de la mise en scène. Un film (présenté Hors Compétition) un peu anecdotique, malgré le prestige qu’il a apporté sur le tapis rouge.


La femme la plus riche du monde, une comédie avec Isabelle Huppert et Laurent Lafitte
La femme la plus riche du monde, une comédie avec Isabelle Huppert et Laurent Lafitte

Du côté des Séances de Minuit, la section a livré son meilleur film jusqu’à présent (en attendant le Ethan Coen qui passera en fin de festival). Il s’agit du thriller SF japonais Exit 8, adaptation du jeu du même nom. Un homme est en chemin pour rejoindre sa compagne, et doit changer de métro. En se dirigeant vers la sortie, il découvre un couloir peu ordinaire: s’il détecte une anomalie, il doit faire demi-tour; s'il n'en détecte pas, il peut poursuivre sa route. Et s’il se trompe (il croit détecter une anomalie alors qu'il n'y en a pas), il doit repartir à zéro (sortie 0, 1, 2, etc.). Un bel exercice de créativité répétitive.


Exit 8, un thriller SF japonais
Exit 8, un thriller SF japonais

Cannes Première a accueilli le nouveau travail du cinéaste islandais Hlynur Pálmason, qui avait ébloui le public de la Croisette avec Godland il y a trois ans. The Love That Remains est moins ambitieux, mais tout aussi formellement précis lorsqu’il raconte une année dans la vie d’une famille qui doit comprendre quel est l’équilibre à garder en place, alors que les parents sont en train de se séparer. Coup de cœur pour le chien Panda, qui a droit à sa propre mention individuelle dans le générique du début et se présente d’ores et déjà comme le favori pour le Palm Dog, le prix attribué au meilleur ami à quatre pattes dans le programme du Festival.


The Love That Remains, le nouveau film du cinéaste islandais Hlynur Pálmason
The Love That Remains, le nouveau film du cinéaste islandais Hlynur Pálmason

Enfin, la Compétition, et le très attendu Alpha, troisième long métrage de Julia Ducournau. Pour rappel, Grave (refusé parmi les films en lice pour la Palme d’Or) fut la révélation de la Semaine de la Critique 2016, tandis que Titane est devenu en 2021 la première œuvre d’une femme à gagner le prix principal sans le partager avec un autre titre. Bref, un sacré parcours, couronné par le fait qu’Alpha a bénéficié de la co-production de Neon, la boîte qui a sorti le film précédent de Ducournau aux Etats-Unis.


Hélas, le long métrage lui-même déçoit, malgré son propos qui n’est pas inintéressant: un récit familial dans un contexte vaguement futuriste, où la jeune protagoniste qui s’appelle Alpha, sa mère médecin (Golshifteh Farahani) et son oncle toxicomane (Tahar Rahim) doivent faire face à une mystérieuse épidémie qui se veut métaphore du SIDA. Métaphore un peu maladroite, à laquelle s’ajoute la direction pas très efficace des deux acteurs adultes (Rahim est une sorte de parodie de lui-même, il surjoue tout au long du film) et un enjeu qui devient toujours moins clair lorsqu’on s’approche de la fin. Dommage.


Le très attendu Alpha, réalisé par Julia Ducournau, en lice pour la Palme d'Or, une déception pour notre chroniqueur
Le très attendu Alpha, réalisé par Julia Ducournau, en lice pour la Palme d'Or, une déception pour notre chroniqueur

Cannes 2025, jour 6: Chomet, Pagnol et Lav Diaz

Cannes a une relation un peu étrange avec l’animation, du moins en Sélection Officielle où les films sont souvent limités à des Séances Spéciales (donc avec moins de public par rapport à un Hors Compétition traditionnel), mais les choix sont souvent très solides sur le plan artistique. La preuve, le Festival a accueilli la première mondiale du nouveau travail de Sylvain Chomet, qui sera aussi présenté à Annecy le mois prochain.

 

Marcel et Monsieur Pagnol, c’est donc un hommage au grand écrivain et cinéaste, qui se souvient de sa vie en dialoguant avec une version de lui-même enfant. Un voyage dans les couloirs de la mémoire tout aussi séduisant au niveau visuel que les autres films de Chomet. Une différence notable cependant : ceux-ci, contrairement à Marcel et Monsieur Pagnol, ne s’appuyaient pas sur le langage verbal. Le contraste entre le Pagnol adulte (voix de Laurent Lafitte), qui parle un français plus académique, et son alter ego plus jeune, qui s’exprime avec un accent marseillais, est très drôle.


Marcel et Monsieur Pagnol, film d'animation réalisé par Sylvain Chomet
Marcel et Monsieur Pagnol, film d'animation réalisé par Sylvain Chomet

On reste en France pour la troisième Séance de Minuit, qui s’appelle Le Roi Soleil. Non, ça ne parle pas (trop) de Louis XIV, qui est évoqué brièvement. Il s’agit, en fait, du nom d’un bar où différents personnages se croisent et, lorsqu’un accident mortel se produit, doivent décider comment le reste de la journée va se terminer. Un exercice de choix narratifs qui est, en quelque sorte, une séance filmée de brainstorming entre scénaristes, le long métrage est divertissant, et la blague finale finement ciselée – elle permet de comprendre des éléments du film qui n’étaient pas clairs auparavant.

 

Côté Compétition, c’était la journée de Wes Anderson, cinéaste qui est maintenant arrivé à la phase « on aime ou on déteste » de sa carrière, puisque son style reconnaissable et répétitif ne fait plus l’unanimité (c’est une des raisons pour lesquelles la séance de presse en Salle Debussy était à moitié vide). Pour notre part, on a plutôt aimé, et même si The Phoenician Scheme (en salle en Romandie à la fin du mois) est un peu moins intéressant qu’Asteroid City, qui était une sorte d’aveu de crise d’inspiration, Benicio Del Toro est sublime dans le rôle principal, et Michael Cera (le fils de Jason Bateman dans la série Arrested Development) est à ce point-là parfait qu’on se demande pourquoi il n’a jamais fait partie de l’univers d’Anderson auparavant.


The Phoenician Scheme, réalisé par le célèbre metteur en scène américain Wes Anderson, en lice pour la Palme d'Or
The Phoenician Scheme, réalisé par le célèbre metteur en scène américain Wes Anderson, en lice pour la Palme d'Or

Pour finir, la section Cannes Première (bref, un Hors Compétition dont les séances se déroulent en Salle Debussy et non pas dans la salle principale, le Grand Théâtre Lumière) a offert au public le nouveau long métrage du cinéaste philippin Lav Diaz, connu pour la durée très généreuse de ses films. En l’occurrence, ça ne dure que 156 minutes, probablement suite aux exigences des co-productions internationales, puisque Magellan a un minimum d’ambition commerciale, étant basé sur la vie du célèbre explorateur qui est joué par Gael García Bernal. Mais il faut bien préciser « minimum », car le film reste très fidèle à la poétique de Diaz : contemplatif, pas très bavard, lucide dans son analyse du colonialisme. Et les gens dans la salle étaient vraisemblablement conscients de ça en entrant, puisque presque personne n’est sorti avant la fin, même si la projection a commencé à 22h50.


Magellan, réalisé par Lav Diaz, avec Gael García Bernal dans le rôle du célèbre explorateur
Magellan, réalisé par Lav Diaz, avec Gael García Bernal dans le rôle du célèbre explorateur

Cannes 2025, jour 5: vive la France!

Parmi les films vus à Cannes le cinquième jour, l’histoire du tournage d’A bout de souffle.


Depuis 2018, Cannes interdit formellement la sélection, dans les sections compétitives, de films qui n’auront pas d’exploitation régulière en salle en France. Hors compétition, en revanche, il arrive de tomber sur des productions des plateformes de streaming, et ça a été le cas avec une des Séances Spéciales: Bono: Stories of Surrender, le nouveau documentaire d’Andrew Dominik (qui a précédemment consacré deux projets similaires à Nick Cave), disponible sur Apple TV+ dès le 30 mai.


Bono: Stories of Surrender, le nouveau documentaire d’Andrew Dominik consacré à la star du groupe U2
Bono: Stories of Surrender, le nouveau documentaire d’Andrew Dominik consacré à la star du groupe U2

C’est dommage, la majeure partie du public découvrira ce film en streaming, car le travail fait par Dominik et son chef opérateur Erik Messerschmidt est tout simplement épatant, avec une photo en noir et blanc qui rend extrêmement dynamique cette version filmée d’un one-man show de Bono, le visage du groupe irlandais U2. Personnage public omniprésent et souvent objet de blagues, le chanteur met en évidence ici ses doutes, sa vulnérabilité, les raisons pour lesquelles il est ce paradoxe vivant qu’est une vedette humblement égocentrique. Il n’est pas nécessaire d’être fan de sa musique pour apprécier le film, qui pourrait d’ailleurs donner envie de réécouter les tubes du groupe.

 

Après cette belle surprise, la première vraie déception de cette édition, sous la forme d’une Séance de Minuit : Sons of the Neon Night, production hongkongaise qui parle de vengeance et famille. Les scènes d’action sont généralement efficaces, mais l’écriture vacille et les images de synthèse, trop évidentes, contribuent à une certaine laideur esthétique. Dommage, car parmi les sociétés de production on reconnaît le nom de Shaw Brothers, la boîte culte qui a joué un rôle essentiel dans la cinéphilie de Quentin Tarantino.

 

Ensuite, double coup de cœur. Le premier vient de la Semaine de la Critique, qui a proposé parmi ses séances spéciales Des preuves d’amour, début dans le long métrage de la cinéaste Alice Douard (qui avait déjà traité le même sujet en format court en 2022 avec L’attente). Nous sommes en 2014, la France vient d’approuver le mariage homosexuel, ce qui permettra enfin à Céline (Ella Rumpf) et Nadia (Monia Chokri) d’adopter l’enfant que la seconde attend, car la bureaucratie reste compliquée. Romantique, dramatique, drôle, surprenant, une tranche de vie qui émeut du début à la fin.


Des preuves d’amour, réalisé par Alice Douard, un coup de cœur de notre chroniqueur
Des preuves d’amour, réalisé par Alice Douard, un coup de cœur de notre chroniqueur

La deuxième claque était en Compétition: Nouvelle Vague, à savoir le récit du tournage d’A bout de souffle de Jean-Luc Godard. Le réalisateur est américain (Richard Linklater), mais on sent que l’esprit du film est européen. Il s’agit d’une comédie en noir et blanc qui montre avec finesse une époque lointaine, avec une excellente distribution pour tous les rôles. Et bien qu’on ait la tentation de se concentrer surtout sur les excellents comédiens qui incarnent Godard, Belmondo ou encore Jean Seberg, la vraie révélation de ce projet est Mathieu Penchinat dans le rôle de Raoul Coutard, le célèbre chef opérateur de plusieurs films du cinéaste rollois. D’autant plus que la presse a vu l’œuvre de Linklater dans la Salle Debussy, où la tradition impose, pour des raisons inconnues, de hurler « Raoul ! » au début de chaque séance pour les journalistes.


Nouvelle Vague, réalisé par Richard Linklater, en lice pour la Palme d'Or, un coup de cœur de notre chroniqueur
Nouvelle Vague, réalisé par Richard Linklater, en lice pour la Palme d'Or, un coup de cœur de notre chroniqueur

Également en Compétition, Die, My Love est le nouveau travail de Lynne Ramsay, adaptation d’un roman sur une jeune femme qui devient psychotique suite à une dépression post-partum. La femme est incarnée par Jennifer Lawrence, son compagnon par Robert Pattinson, tous les deux totalement engagés vis-à-vis de l’univers déjanté que la cinéaste construit autour d’eux. Le résultat n’est pas forcément plaisant (le mixage du son est parfois carrément agressif), et les personnages ne sont pas forcément agréables, mais c’est néanmoins par moments passionnant.


Die, My Love, réalisé par Lynne Ramsay, avec Jennifer Lawrence et Robert Pattinson, en lice pour la Palme d'Or
Die, My Love, réalisé par Lynne Ramsay, avec Jennifer Lawrence et Robert Pattinson, en lice pour la Palme d'Or

Cannes 2025, jour 4: intelligences artificielles et pandémies 

Des sujets forts étaient à l’ordre du jour le quatrième jour du Festival de Cannes. 


On parle beaucoup d’intelligence artificielle ces derniers temps, et il n’est pas étonnant que ça fasse partie de la Sélection Officielle de Cannes cette année. Plus précisément, c’est le sujet de la première Séance de Minuit de 2025, le thriller français Dalloway. C’est le nom de l’assistante virtuelle de Clarissa (Cécile de France), invitée dans une résidence où elle est censée pouvoir reprendre l’écriture malgré son manque d’inspiration. Elle pense à Virginia Woolf (dont le nom de l’IA, qui a la voix de Mylène Farmer est tiré d'un de ses romans), et la question du côté «artistique» de ce domaine est sans doute intéressante. Il n’empêche que le film de Yann Gozlan, aussi divertissant qu’il soit, ne fait pas grand-chose pour s’éloigner des clichés généraux de la dystopie. 




Autre production française, Dossier 137 marque le retour de Dominik Moll en Compétition, et on y retrouve Léa Drucker dans son deuxième rôle cannois pour cette année. Basé sur des faits réels, le film parle de l’enquête sur le comportement violent de certains policiers, avec le personnage du Drucker qui essaie d’apprendre la vérité et se sent personnellement impliquée lorsqu’elle découvre que la victime est originaire du même endroit qu’elle. Intelligent et rigoureux, même si un peu banal quand il est question de la vie privée de la protagoniste, c’est un portrait juste et actuel des zones grises de la justice. 






Et on est encore dans le territoire de l’Hexagone avec L’Inconnu de la grande arche, nouveau long métrage de Stéphane Demoustier, présenté au Certain Regard. Lui aussi inspiré de faits réels (seulement un personnage secondaire est fictif, et ça se voit un peu), il aborde la question de la liberté artistique par le biais de l’histoire de l’architecte danois (Claes Bang) qui remporta un concours français, pour ensuite se disputer à plusieurs reprises avec la machine bureaucratique locale. Par moments, c’est The Brutalist en comédie, projeté en 4 :3 en hommage à la forme du bâtiment concerné. On notera que le personnage secondaire le plus drôle est incarné par Xavier Dolan, hilarant en bureaucrate transalpin.



On revient en Compétition, pour finir, avec Eddington, le quatrième film d’Ari Aster. Ça se passe dans le village du même nom, en mai 2020, quand le Covid et les complots associés influencent la rivalité entre le shérif (Joaquin Phoenix) et le maire (Pedro Pascal). Tout comme l’époque racontée, le récit devient vite chaotique, mais de manière très maîtrisée, avec l’atmosphère western qui cède progressivement la place à une tension horrifique pas si dissimilaire des autres œuvres d’Aster. Le film définitif sur la pandémie ? Un peu tôt pour le dire. Evidemment, il ne fait pas l’unanimité. De notre côté, on aime, mais on aurait voulu voir davantage le personnage incarné par Emma Stone, qui est la présence la plus intéressante mais a un rôle trop réduit.



Cannes 2025, jour 3: une dernière mission avec Tom Cruise et le désert d’Oliver Laxe

Le huitième volet de Mission : Impossible  était au programme du troisième jour sur la Croisette.


La tradition veut que le premier mercredi du Festival de Cannes (ou le lendemain matin pour la presse) soit marqué par la présence d’un blockbuster américain, que ce soit un Indiana Jones, un Mad Max ou un Top Gun. Ce dernier, projeté avec succès en 2022, a vraisemblablement inspiré Tom Cruise et Paramount, puisqu’une deuxième visite cannoise a lieu à présent, cette fois avec Mission : Impossible – The Final Reckoning, une semaine avant sa sortie en salle (le 21 mai en Suisse romande).



Il y a le mot «final» dans le titre, et on sent effectivement une tentative de terminer l’histoire d’Ethan Hunt, l’agent du IMF (Impossible Mission Force) que Cruise incarne depuis 1996. Pour rappel, dans le volet précédent, Dead Reckoning, il apprenait l’existence d’une intelligence artificielle, l’Entité, qui avait pour but la domination du monde et l’extinction de l’humanité. Deux mois après la fin du septième épisode, Hunt a toutes les cartes en main pour détruire cet adversaire invisible, mais plusieurs personnes – dont les gouvernements de différents pays qui souhaitent avoir l’Entité de leur côté – ne l’entendent pas ainsi. Et s’il échoue, le résultat le plus probable sera une apocalypse nucléaire…


La première heure (sur trois) est un long résumé de ce qu’on a vu dans les sept films sortis entre 1996 et 2023, avec des solutions pas toujours très élégantes pour relier entre eux des éléments jusque-là indépendants. Mais une fois qu’on passe à l’intrigue à proprement parler, l’aspect attractif et spectaculaire de la franchise, avec des cascades époustouflantes et un sous-texte très clair sur le statut de Cruise dans une industrie cinématographique toujours plus amoureuse du numérique, reste intact et splendidement cohérent. Si c’est effectivement la fin, ce n’est pas mal du tout. Et si ça ne l’est pas, on souhaitera peut-être que l’acteur et producteur revienne à la formule originale de la série, avec un réalisateur différent pour chaque film (Christopher McQuarrie ayant mis en scène les quatre derniers).


Mission : Impossible – The Final Reckoning, réalisé par Christopher McQuarrie, avec Tom Cruise
Mission : Impossible – The Final Reckoning, réalisé par Christopher McQuarrie, avec Tom Cruise

Concernant la Compétition à présent, Sound of Falling est l’un des objets les plus curieux de la sélection, puisque c’est un deuxième long métrage réalisé par une cinéaste peu connue, l’Allemande Mascha Schilinski (son premier film, Dark Blue Girl, fut montré à la Berlinale en 2017, mais dans une section mineure). C’est une très belle découverte, un portrait ambitieux de vies de femmes à travers les parcours, séparés chronologiquement mais liés thématiquement, de quatre filles qui, sur une période de cent ans, ont toutes, à un moment ou l’autre, vécu dans la même ferme dans la région du Altmark. Subtilement impressionnant du point de vue de la photo et du montage, et superbement joué par les quatre protagonistes.


Sound of Falling, réalisé par l'Allemande Mascha Schilinski, en lice pour la Palme d'Or
Sound of Falling, réalisé par l'Allemande Mascha Schilinski, en lice pour la Palme d'Or

Aussi en lice pour la Palme d’Or, Sirât est un objet différent, le quatrième film du cinéaste franco-espagnol Oliver Laxe et son premier en Compétition, après avoir précédemment présenté ses longs métrages à la Quinzaine, à la Semaine et, en 2019, à Un Certain Regard. Le film se déroule dans le désert marocain, le titre dérive d’un terme islamique indiquant le pont entre Paradis et Enfer, où l’âme doit faire face à sa vraie nature. C’est ici qu’un homme (Sergi López) cherche sa fille, qui était venue pour faire la fête. Après une première moitié assez conventionnelle sur le plan de l’enjeu dramatique, le récit change soudainement de cap, et on est aussi déroutés que les personnages par ce virage surprenant et radical. En raison de ce contraste, j’étais un peu moins emballé que d’autres journalistes, mais le résultat est tout à fait admirable, et justifie l’accession du cinéaste à la catégorie la plus prestigieuse du Festival.


Sirât, réalisé par le cinéaste franco-espagnol Oliver Laxe, en lice pour la Palme d'Or
Sirât, réalisé par le cinéaste franco-espagnol Oliver Laxe, en lice pour la Palme d'Or

Cannes 2025, jour 2: Campillo, Wandel et Loznitsa

Notre chroniqueur a vu trois films lors du deuxième jour du Festival de Cannes, dont un de la Compétition.


«Un film de Laurent Cantet, réalisé par Robin Campillo». C’est la définition officielle, que l’on retrouve dans le générique, d’Enzo, l’œuvre choisie par Julien Rejl et son équipe pour l’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes. Cantet, qui était censé mettre en scène le long métrage, est décédé avant de commencer à tourner, et c’est à ce moment-là que son confrère et co-scénariste Campillo a repris le flambeau pour raconter l’histoire d’un jeune homme troublé par l’inquiétude, qui ne sait pas très bien ce qu’il veut faire de sa vie, et que les attentes de ses parent (Pierfrancesco Favino et Elodie Bouchez) ne contribuent pas nécessairement à aider.

 

Enzo, « un film de Laurent Cantet, réalisé par Robin Campillo », film d'ouverture de la Quinzaine des Cinéastes
Enzo, « un film de Laurent Cantet, réalisé par Robin Campillo », film d'ouverture de la Quinzaine des Cinéastes

Au niveau scénaristique, on perçoit la synergie entre Campillo et le regretté Cantet, le récit étant un mélange de sujets chers aux deux cinéastes, du portrait de la jeunesse à la question des tensions liées à l’attraction physique (peut-être pas réciproque, en l’occurrence). La mise en scène, en revanche, révèle les fragilités de Campillo puisqu’il essaye de s’approcher d’un monde qui n’est pas entièrement le sien, avec certaines scènes qui mettent en évidence une diminution de l’énergie dramatique qui traverse le reste du film. Un produit hybride, donc, fascinant mais pas entièrement abouti.

 

Du côté de la Semaine de la Critique, c’est une production francophone qui a ouvert la section : L’Intérêt d’Adam, deuxième long métrage de la cinéaste belge Laura Wandel, révélée au Certain Regard en 2021 avec l’époustouflant Un monde, qui fut choisi pour représenter la Belgique aux Oscars. Cette fois, on n’est pas dans une école mais à l’hôpital, où l’état de santé d’un enfant (Adam, donc) est l’objet du conflit entre sa mère (Anamaria Vartolomei, toujours aussi intense) et les services sociaux. L’infirmière Lucy (Léa Drucker, magnifique) essaie de gérer au mieux le chaos qui en résulte. Avec un rythme de thriller, ce drame familial a une démarche un peu plus classique par rapport au film précédent de Wandel, mais la sincérité émotionnelle reste tout aussi puissante, notamment vers la fin.


L’Intérêt d’Adam, réalisé par Laura Wandel, film d'ouverture de la Semaine de la Critique
L’Intérêt d’Adam, réalisé par Laura Wandel, film d'ouverture de la Semaine de la Critique

Entre deux nouveautés, j’aurais aimé assister aux deux séances de Cannes Classics introduites par Quentin Tarantino, un double programme western en hommage à George Sherman, mais je n’avais pu réserver ma place que pour le deuxième, que j’ai finalement annulé. Or, un ami qui était présent pour les deux longs métrages m’a raconté que c’était effectivement un événement unique et les gens étaient invités à rester dans la salle pendant la pause (qui s’est tranformée en une conversation de 45 minutes avec Tarantino). Résultat : les personnes qui avaient une place pour le deuxième film risquaient de ne pas pouvoir entrer dans la salle. Mais du coup, pourquoi ne pas faire un billet unique ?

 

Pour finir, notre premier contact avec la Compétition a eu lieu à travers le nouveau film de fiction de Sergei Loznitsa, cinéaste ukrainien qui fait surtout des documentaires. S’inspirant d’une nouvelle, il signe avec Deux Procureurs un portrait formellement impeccable du système judiciaire à l’époque de Staline. Bien joué et parfaitement maîtrisé en termes de langage cinématographique, le film demeure pourtant un peu froid par moments, avant d’arriver à une conclusion prévisible, certes, mais néanmoins très forte.


Deux Procureurs, réalisé par le cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa, en lice pour la Palme d'Or
Deux Procureurs, réalisé par le cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa, en lice pour la Palme d'Or

Cannes 2025: présentation

Pensées préliminaires de notre chroniqueur Max Borg sur la 78e édition du Festival de Cannes.


Depuis quelques années, le Festival de Cannes est un peu boulimique du côté de la Sélection Officielle, certains films pouvant difficilement être vus en raison de leur présence réduite sur la Croisette. On est arrivé jusqu’à annoncer à la dernière minute, le 9 mai (la kermesse commençant le 13), l’ajout de trois documentaires liés à la question ukrainienne, un hommage très fort qui risque, hélas, d’être passablement ignoré par la presse accréditée qui se concentrera plutôt sur les deux événements d’ouverture : La ruée vers l’or de Chaplin en copie restaurée et la première mondiale de Partir un jour, qui sort en même temps dans les salles françaises et romandes.


La Ruée vers l'or de Charlie Chaplin célèbre cette année son centenaire © Roy Export Company Ltd
La Ruée vers l'or de Charlie Chaplin célèbre cette année son centenaire © Roy Export Company Ltd

Et là, encore, il y a la possibilité concrète de voir ces films. Mais quel est l’intérêt, par exemple, de sélectionner 13 jours 13 nuits, le nouveau long métrage de Martin Bourboulon (Les trois mousquetaires), ajouté tellement tard que la seule façon de le voir est d’aller à la projection officielle, où les places pour les journalistes sont limitées ? Le but d’un festival, c’est de mettre en valeur les films, mais là ça pourrait ne pas donner grand-chose.

 

Et pourtant, Cannes reste le rendez-vous cinéphile le plus prestigieux, avec plusieurs films très attendus réalisés par des cinéastes de renom, notamment dans la compétition qui sera jugée par un jury présidé par Juliette Binoche : on y retrouve, entre autres, Lynne Ramsay, Richard Linklater (avec un film sur le tournage d’À bout de souffle), les frères Dardenne, Jafar Panahi. Mais il y a aussi de la place pour les nouveaux talents, en commençant par le déjà mentionné Partir un jour, ce film d’ouverture qui est aussi le premier long métrage d’Amélie Bonnin, réélaboration du court métrage du même nom qu’elle a réalisé en 2021.


Partir un jour, à la fois film d'ouverture du festival cette année et premier long métrage d'Amélie Bonnin
Partir un jour, à la fois film d'ouverture du festival cette année et premier long métrage d'Amélie Bonnin

Parmi les cinéastes qui espèrent obtenir la Palme d’Or, il y également Hafsia Herzi, actrice talentueuse qui est aussi active derrière la caméra, tout comme ses collègues qui, ayant conquis les fans du monde entier, participent au Certain Regard, l’autre section compétitive de la Sélection Officielle, avec leurs premières réalisations : c’est le cas de Kristen Stewart, Scarlett Johansson et Harris Dickinson.

 

Et encore : de l’animation, en particulier le très attendu Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet, hommage à un grand nom du cinéma français (dont on pourra aussi voir, dans le cadre de Cannes Classics, la copie restaurée de Merlusse, le film qui a inspiré Alexander Payne pour son Winter Break). Ou les séances de minuit, dont un créneau accordé à Ethan Coen qui tourne pour la troisième fois sans son frère Joel. Ou les restaurations numériques, accompagnées par des invités exceptionnels comme Quentin Tarantino, qui présentera deux westerns classiques, ou Kevin Smith, qui fête avec les Cannois sa récente récupération des droits de Dogma, la comédie religieuse qui revient sur la Croisette 26 ans après sa première en 1999.

 

Bref, il y en a, encore une fois, pour tous les goûts (on n’a même pas mentionné les courts métrages, formidable carte de visite pour la relève qui reviendra peut-être avec des longs), de l’action (le huitième Mission : Impossible) aux récits plus contemplatifs (nous sommes curieux de découvrir le film sur Magellan réalisé par Lav Diaz). Pourvu, bien sûr, qu’il soit possible de voir ces œuvres, ce qui n’est pas toujours évident depuis que le festival est passé à la réservation en ligne et qu’on a parfois l’impression que certains titres demeurent inaccessibles. Qu’en sera-t-il cette année ? Nous essaierons de répondre dans les jours qui viennent.




Programme de la sélection officielle

Le Festival de Cannes 2025 se déroule du mardi 13 au samedi 24 mai. Cette année, c'est Juliette Binoche qui est la présidente du jury.


Une fois n'est pas coutume, clap.ch est sur place. Chaque jour, notre rédacteur Max Borg vous parlera de la manifestation cannoise.


En lice pour la plus importante récompense du festival, la Palme d'or, on trouve notamment la Française Julia Ducournau qui avait marqué la Croisette avec Titane en 2021 (Palme d'or) et les frères belges Jean-Pierre et Luc Dardenne, qui détiennent, eux, déjà deux Palmes d'or (l'une remportée en 1999 pour Rosetta et l'autre en 2005 pour L'Enfant). Julia Ducournau présentera au cours de cette édition son nouveau long métrage Alpha et les frères Dardenne leur film Jeunes mères.


D'autres metteurs en scène de grande envergure apparaissent dans la compétition officielle, tels l'Iranien Jafar Panahi (Un simple accident) ou les Américains Wes Anderson (The Phoenician Scheme) et Richard Linklater (Nouvelle vague).


FILM D'OUVERTURE


EN COMPÉTITION (LONGS MÉTRAGES)

Cette section prestigieuse compte cette année 22 films :

  • The Phoenician Scheme de Wes Anderson

  • Eddington de Ari Aster

  • Jeunes Mères de Jean-Pierre et Luc Dardenne

  • Alpha de Julia Ducournau

  • Renoir de Chie Hayakawa

  • The History of Sound de Oliver Hermanus

  • La Petite Dernière de Hafsia Herzi

  • Sirât de Óliver Laxe

  • Nouvelle Vague de Richard Linklater

  • Deux Procureurs de Sergueï Loznitsa

  • Fuori de Mario Martone

  • L’Agent Secret de Kleber Mendonça Filho

  • Dossier 137 de Dominik Moll

  • Un Simple Accident de Jafar Panahi

  • The Mastermind de Kelly Reichardt

  • Les Aigles de la République de Tarik Saleh

  • Sound of Falling de Mascha Schilinski

  • Romería de Carla Simón

  • Valeur Sentimentale de Joachim Trier

  • Die my Love de Lynne Ramsay

  • Woman and Child de Saeed Roustayi

  • Résurrection de Bi Gan


UN CERTAIN REGARD

Cette section se focalise sur des œuvres singulières et des talents émergents:

  • Eleanor the Great de Scarlett Johansson (premier film)

  • The Chronology of Water de Kristen Stewart (premier film)

  • Urchin de Harris Dickinson (premier film)

  • Love Me Tender de Anna Cazenave Cambet

  • Le Mystérieux Regard du Flamant Rose de Diego Céspedes (premier film)

  • Météors de Hubert Charuel

  • My Father’s Shadow de Akinola Davies Jr. (premier film)

  • L’Inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier

  • Homebound de Neeraj Ghaywan

  • Pillion de Harry Lighton (premier film)

  • Aisha Can't Fly Away Anymore de Morad Mostafa (premier film)

  • Once Upon a Time in Gaza de Arab et Tarzan Nasser

  • Le Rire et le Couteau de Pedro Pinho

  • The Plague de Charlie Polinger (premier film)

  • Promis le Ciel de Erige Sehiri

  • Le Dernier pour la Route de Francesco Sossai

  • Testa o Croce ? de Matteo Zoppis, Alessio Rigo de Righi

  • Karavan de Zuzana Kirchnerová (premier film)

  • A Pale View of Hills de Kei Ishikawa

  • Un Poeta de Simón Mesa Soto


HORS COMPÉTITION

Les projections hors compétition incluent des films très attendus parmi lesquels :


CANNES PREMIÈRE

  • Amrum de Fatih Akin

  • Connemara de Alex Lutz

  • La Disparition de Josef Mengele (Das Verschwinden des Josef Mengele) de Kirill Serebrennikov

  • Love on Trial (Renai Saiban) de Kōji Fukada

  • The Love That Remains (Ástin sem eftir er) de Hlynur Pálmason

  • Ma frère de Lis Akoka et Romane Gueret

  • Magellan (Magalhães) de Lav Diaz

  • La Vague (La Ola) de Sebastián Lelio

  • Orwell: 2+2=5 de Raoul Peck

  • Splitsville de Michael Angelo Covino


SÉANCES SPÉCIALES

  • Amélie et la Métaphysique des Tubes de Mailys Vallade et Liane-Cho Han

  • Arco de Ugo Bienvenu

  • Bono: Stories of Surrender de Andrew Dominik

  • Dites-lui que je l’aime de Romane Bohringer

  • L’Homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme de Pierre Richard

  • Mama de Or Sinai

  • Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet

  • Qui brille au combat de Joséphine Japy

  • The Six Billion Dollar Man de Eugene Jarecki


CANNES CLASSICS

Cette section rend hommage au patrimoine cinématographique, on y trouve des restaurations et des documentaires comme:

  • La Ruée vers l’or de Charlie Chaplin

  • Vol au-dessus d’un nid de coucou de Miloš Forman

  • Amours chiennes de Alejandro González Iñárritu

  • Yi Yi de Edward Yang

  • Barry Lyndon de Stanley Kubrick

  • David Lynch, une énigme à Hollywood de Stéphane Guez (documentaire)



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